samedi 22 décembre 2007

EDUCATION POUR TOUS EN 2015 AU BENIN

La Solidarité nationale, désormais plus qu’une exigence

La promotion d’une solidarité unanime et agissante autour des enjeux de l’éducation reste l’alternative crédible pour que le Bénin comme la plupart des nations sous développées réponde présent au rendez-vous de l’Education Pour Tous en 2015



Par Gérard GUEDEGBE



« Je pense que ma fille et mes deux garçons vont devoir commencer la rentrée sans les fournitures scolaires, en attendant que je trouve les moyens financiers de les satisfaire », ainsi déclarait impuissant, M Baba Anagonou Setchègui, cultivateur de céréales à Hlagba Denou un petit village situé à une centaine de kilomètres de Cotonou, quelques jours avant le début de la rentrée académique 2007 2008. Comme ce parent d’élèves, des milliers d’autres béninois peinent également à assurer les charges liées à l’éducation de leurs enfants. Si ce n’est pas les fournitures scolaires, c’est plutôt l’argent du petit déjeuner que le parent n’arrive pas à assurer. La petite Djoumaï agée de 7 ans environ a eu la chance de commencer les classes, à la faveur de la mesure de gratuité de l’enseignement maternel et primaire du gouvernement béninois intervenue le 13 octobre 2006. Arpentant, chaque jour, les sentiers latéritiques d’un quartier périphérique de la commune de Sinendé, elle se rend à son école située à 4 kilomètres de sa maison avec pour seule provision de la journée, une gourde d’eau ou de bouillie et quelques poignées de gari (farine de manioc séché). « Pendant les deux premières semaines de mon entrée à l’école, je recevais 25 F Cfa par jour et après mon père m’a fait comprendre que désormais, je me contenterai du gari ou de la bouillie pour mon petit déjeuner et mon déjeuner », rappelle Djoumaï, le regard affaibli par la longue marche quotidienne que lui impose la distance entre sa maison et l’école primaire publique de la localité. Djoumaï ajoute que sa capacité d’attention baisse considérablement à partir de16 heures ; car ne pouvant concilier les activités académiques et la faim. L’adage ne proclame t-il pas que: « Le ventre affamé n’a pas point d’inspiration ».
Les cas Setchegui et Djoumai ne sont que deux minuscules exemples tirées parmi les innombrables qui pour une raison ou une autre manquent de ressources matérielles et financières adéquates pour assurer une éducation de qualité à la nouvelle génération. Mais selon l’article 13 de la constitution béninoise du 11 décembre 1990, l’éducation est un droit inaliénable conféré à tout enfant et ne saurait lui être dénié sous quelque argument que ce soit. Reconnaissant d’ailleurs, le rôle nodal de l’éducation dans le développement de la nation, le Président du Bénin, Dr Boni YAYI affirmait dans son allocution sur les perspectives de l’éducation, le 2 octobre 2007, que : « Sans éducation, pas de nation émergente et prospère ». Devant l’exigence de développement et la nécessaire satisfaction du droit légitime de chaque citoyen à une éducation de qualité, le défi non négociable reste et demeure : offrir une éducation de qualité à tout béninois et à toute béninois. Mais le relèvement de ce défi se heurte t-il aux nombreux défis du terrain.

Les Besoins
Les besoins en ressources pour soutenir les charges liées à l’éducation au Bénin sont encore perceptibles, non seulement au niveau de chaque ménage, mais aussi dans tous les autres compartiments du secteur éducatif ; malgré les efforts significatifs du gouvernement et l’apport des partenaires techniques et financiers du secteur. Alors qu’en 2005, la part du budget de l’Etat consacrée à l’éducation était de 16 %, elle a été portée à 20% en 2006. Pour 2008, le gouvernement prévoit une augmentation de 16,65% par rapport au budget de 2007. Une telle augmentation du budget vise notamment à renforcer les mesures d’accompagnement de la décision de gratuité de l’enseignement maternel et primaire qui, selon les données publiées par le conseil des ministres N°43 du 29 octobre 2006, a permis à 150.000 enfants supplémentaires de s’inscrire dans les registres des écoles maternelles et primaires publiques du Bénin. Dans le même temps, on note un relâchement de certains partenaires clefs du secteur de l’éducation en ce qui concerne leur appui financier. Selon les données fournies par la Direction des Ressources Financières du ministère en charge de l’éducation primaire et secondaire, si la part du budget de fonctionnement allouée à l’enseignement primaire a évolué favorablement grâce, notamment, à un appui budgétaire des Etats-Unis entre 1994 et 1998, cette part du budget de l’éducation allouée à l’enseignement primaire a sensiblement baissé au cours des années 1998-2004, passant de 55% à 49,5%. Parallèlement, les besoins vont croissant, notamment en terme d’effectifs des élèves, ce qui crée un déséquilibre criard et accentue la dégradation des infrastructures scolaires de base. Ce déficit a engendré ces dernières années, une kyrielle de problèmes, les uns aussi importants que les autres. On pouvait citer l’insuffisance des infrastructures scolaires et des manuels didactiques, la pénurie de personnels d’encadrement qualifiés. Les statistiques montent néanmoins une légère amélioration par rapport aux « ratios manuels par élève » en lecture et en mathématiques qui sont passés de 0,6 en 2004 à 0,73 en 2005. Ce déficit existe également au niveau des familles où avec l’élévation du coût de la vie et le nombre élevé des enfants à nourrir, les parents peinent à réunir les conditions idoines pour assurer une bonne éducation à leurs enfants.


Agir maintenant
En s’engageant à œuvrer à l’atteinte de l’Education pour Tous en 2015 après le rendez-vous manqué de 2005, le gouvernement béninois n’a certainement pas perdu de vue l’ampleur du travail à abattre pour parvenir à concrétiser le deuxième Objectif du Millénaire pour le Développement qui préconise : d’« Assurer l’éducation primaire pour Tous ». Seulement ses actions et les apports des partenaires ne peuvent à eux seuls couvrir l’intégralité des besoins en ressources de l’éducation au Bénin. L’initiative qui privilégie la solidarité du plus grand nombre des citoyens reste une alternative salvatrice pour les milliers d’enfants béninois qui par manque d’infrastructures, d’enseignants qualifiés ou de manuels scolaires ne jouissent pas encore de leur droit à l’éducation. En lançant, 2006, un mois de solidarité pour l’éducation, la Représentation nationale de l’ONG Aide et Actions a donné l’impulsion d’un grand mouvement citoyen qui vise, en priorité à créer un mouvement fédérateur autour des enjeux de l’éducation au Bénin. Le mois de solidarité qui se propose de mobiliser des ressources complémentaires pour corriger les déficits d’investissement dans le secteur de l’éducation est un appel au renforcement de la chaîne de solidarité lancée un an plus tôt. Au terme de la première édition du mois de solidarité, la valeur des ressources matérielles et financières collectées se chiffre à 20.433.325 francs CFA. Grâce à ces ressources, 1500 écolières et écoliers des régions d’Allada, de Nikki et Cobly ont reçu des lots individuels de fournitures et ouvrages scolaires ; de même que 150 écoliers du village lacustre de Sô Ava. Mieux dans la commune de Cobly, un projet de scolarisation des filles, d’une valeur de 6.750 000 F CFA est en cours de réalisation et 6000 enfants déshérités ont pu bénéficier des kits de jouets et ouvrages scolaires estimables à 35.000 000 F CFA. Grâce à l’édition 2007 du mois de solidarité, l'école primaire publique de Adjara Adovié située dans la circonscription scolaire de Ouidah vient d’hériter d’un module de 3 classes plus un magasin et un bureau pour compenser ses déficits en infrastructures d’accueil des apprenants. Malgré ces efforts pour le moins, significatifs beaucoup reste à faire puisque ces ressources n’ont pu toucher que 7650 enfants soit un peu moins de 11% des 70.000 enfants béninois qui attendent de bénéficier de conditions satisfaisantes pour une bonne éducation.
Généraliser l’initiative
L’initiative de Aide et Action d’organiser un mois de solidarité, loin de combler tous les besoins en ressources du système éducatif béninois a eu le mérite d’éveiller la conscience des populations sur la capacité de mobilisation de ressources internes pour suppléer aux efforts des décideurs et partenaires pour rendre effective l’Education Pour Tous. « Comptons d’abord sur nos propres forces », a-t-on coutume de dire. Cette prise de conscience sur la nécessité de bâtir et de renforcer une solidarité nationale autour des enjeux de l’éducation est certainement la dernière chance qu’il nous reste à saisir pour ne pas rater le rendez-vous de 2015. Et nous en sommes largement capable. En témoignent les projections faites par le président du parlement des enfants béninois lors de la cérémonie de lancement de la deuxième édition du mois de solidarité en octobre dernier. Selon lui, si chaque adulte s’engageait à faire une souscription volontaire annuelle de 500 FCFA (soit moins d’un dollar US), plus d’une dizaine de milliards de francs pourrait être mobilisés pour soutenir l’éducation chaque année. Mais il importe de rappeler que la solidarité autour de l’éducation ne devrait pas être que monétaire. Elle s’exprime également sous formes de dons en nature, d’initiatives promotrices des œuvres éducatives ou d’expertises mises au service du développement du secteur. Ainsi quelque soit la catégorie socio professionnelle ou le niveau vie du citoyen, sa partition est nécessaire. Dans un premier, il faudra gagner la bataille de l’appropriation du concept par tous les béninois et notamment le citoyen moyen et valoriser l’importance de leur contribution aussi modeste qu’elle puisse être. Il s’agira pour chacune et chacun de participer à faire prendre conscience à un plus grand nombre de personnes et à agir ensemble pour donner aux enfants la chance d’un avenir meilleur. L’effectivité d’une solidarité nationale autour des enjeux de l’éducation, non seulement permettra d’accélérer notre marche vers 2015 mais aussi renforcera la crédibilité du Bénin auprès des partenaires étrangers qui sauront mesurer à sa juste valeur la détermination des citoyens à privilégier l’option d’une ‘Solidarité Sud-Sud’.

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